
Jour 6 : À l’est d’Aldabra, un décor lunaire balayé par les alizés
Après le réveil, l’équipe du Plastic Odyssey décide d’aller voir le lever du soleil en haut de la dune qui jouxte le campement DJL. Le sommet, à une vingtaine de mètres de hauteur, est le point culminant de l’atoll. D’en haut, la nature s’éveille et tout semble apaisé. Aldabra s’étire de tous les côtés. Les premières couleurs du jour sont orangées, chatoyantes, comme si l’île voulait nous séduire.
Sur la côte sud d’Aldabra, le vent souffle en permanence. Il a fait claquer les toiles de tentes pendant toute la nuit. Ce dimanche 12 octobre au petit matin, Eole ne faiblit toujours pas : les rafales atteignent 25, peut-être 30 nœuds (55 km/h). Le sable s’immisce partout et nous fouette le visage… Il faudra l’accepter pendant quelques jours.
Après le réveil, l’équipe du Plastic Odyssey décide d’aller voir le lever du soleil en haut de la dune qui jouxte le campement DJL. Le sommet, à une vingtaine de mètres de hauteur, est le point culminant de l’atoll. D’en haut, la nature s’éveille et tout semble apaisé. Aldabra s’étire de tous les côtés. Les premières couleurs du jour sont orangées, chatoyantes, comme si l’île voulait nous séduire. Au camp, tortues et crabes coco se réveillent à leur tour. Ils commencent la journée en se disputant des restes de nourriture. Après un petit déjeuner copieux préparé par Yanick – embauché en tant que frigoriste sur la base scientifique, il fait office de cuisinier depuis plusieurs semaines – Thibault et Simon achèvent de préparer leur paquetage. C’est le départ vers l’est.

Pour se rapprocher de « Cinq Cases », le campement le plus oriental de l’atoll, il faut reprendre le bateau depuis le lagon et donc franchir une nouvelle fois la redoutable zone karstique avec ses morceaux de roches affûtés comme des couteaux. Les sacs sont lourds, l’opération est périlleuse. Parmi le matériel transporté sur des claies de portage, il y a les tentes, les matelas, les sacs de couchage et l’Ecoflow, un générateur solaire de huit kilos, indispensable pour recharger les six batteries du drone et finir la cartographie de cette partie d’Aldabra. Le but : observer à partir du ciel les endroits où les déchets plastiques se sont accumulés.
Francis, manager de l’atoll et employé de la Seychelles Islands Foundation (SIF), ainsi que Dino, militaire au sein des forces spéciales, accompagnent Thibault et Simon pour cette mission. La navigation sur le lagon prend une trentaine de minutes. Une fois encore, le décor touche au sublime : c’était une symphonie de blanc, de vert et de toute la palette de bleu… Mais il faut rester vigilant en permanence car le moindre faux-pas, sur un atoll aussi isolé, peut être lourd de conséquences. Dès que les membres du Plastic Odyssey ont débarqué dans l’eau, une raie léopard est sortie de sa cachette pour les accueillir. « Elle nageait dans très peu d’eau, » se souvient Simon. « Plus loin, on a vu une carangue. On a marché dix minutes avec de l’eau jusqu’aux genoux et ensuite, pendant quasiment une demi-heure, on a alterné dans de la boue, de la vase, sur des pierres coupantes… C’était assez critique. La moindre chute aurait pu provoquer des blessures et faire très mal. Le terrain était très glissant et nous n’avions pas de chaussures adaptées. »

Dans un décor lunaire, l’équipe se repère en suivant les traces jaunes peintes sur des pierres pour arriver à « Cinq cases ». Il aura fallu quasiment deux heures pour parcourir seulement 4 kilomètres. Dino s’installé aux fourneaux pour préparer un grand classique de la cuisine seychelloise de campement : riz, haricots, dahl de lentilles et thon.
Après une sieste réparatrice, l’équipe fait voler le drone autour de la cabane. Vers 16 heures, au moment où le soleil commence à décliner vers l’ouest, Thibault et Simon partent en mission de reconnaissance jusqu’à la pointe nord-est. Les coordonnées GPS de plusieurs lieux sont relevées. Des photos et des vidéos sont prises. Parfois, c’est pour indiquer une accumulation de déchets. Dans d’autres cas, c’est afin de marquer un éventuel emplacement pour un lieu de campement lors du futur grand nettoyage d’Aldabra. « La mauvaise surprise, c’est qu’on a quasiment jamais un accès direct à la mer, » déplore Thibault. « Il y a toujours cette zone de karst entre la côte et les vagues… Les déchets ne sont pas si nombreux car ils doivent avoir du mal à passer la falaise de karst, une sorte de barrière naturelle. Seules y parviennent des milliers de tongs, des bouées de pêche en rebondissant sur la roche coupante et quelques filets. On a vu de grosses bouées en polystyrène d’environ 1,5 m de diamètre. Elles sont monstrueuses. » Dans ce décor de fin du monde, il y avait aussi les restes d’un baleineau échoué.

De retour à la cabane, Dino prépare le dîner. Il est heureux car il a pu recharger son téléphone portable grâce à l’Ecoflow. Tranquillement, il regarde maintenant une série, les yeux rivés sur son écran. Dans le campement « Cinq cases », il y a trois lits superposés de deux places et… pas mal de moustiques. L’équipe du Plastic Odyssey décide de dormir dans la tente. A l’intérieur, on entend le bruit des vagues se fracasser contre les roches et on se sent naïvement protégé de tout.
Mais dans les crânes, les questions fusent. Comment fournir de l’eau à des dizaines de bénévoles pendant des semaines si le dessalinisateur refuse de fonctionner ? Comment évacuer les déchets plastiques au-dessus de la roche karstique ? Les déchets pourront-ils enjamber les gros rouleaux et les vagues cassantes ? Combien de temps peut-on tenir dans un endroit aussi désertique, éloigné de tout ? Au dîner, Francis a expliqué que très peu de personnes étaient déjà venues jusqu’à « Cinq cases ». Selon lui, il y aurait eu plus de gens au sommet de l’Everest que sur ce coin perdu d’Aldabra.
Auteur : Pierre Lepidi, Grand Reporter au Monde
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