Cartographie de la pollution plastique à Aldabra à l'aide d'un drone © Marine Reveilhac

Jour 4 : Aldabra, vu du ciel

L’une des missions que s’est fixée le Plastic Odyssey est de cartographier les sites où sont rassemblées les 513 tonnes de déchets plastiques recensées par une expédition scientifique en 2020. Poussés par les alizés, ils se concentrent dans le sud et l’est de l’atoll sur une distance d’une cinquantaine de kilomètres. Certaines de ces zones, comme le montrent les images satellites, sont très difficiles d’accès.

Le Plastic Odyssey est maintenant au mouillage à une cinquantaine de mètres d’Aldabra. Sur le pont avant, on ne se lasse pas de contempler l’atoll seychellois, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1982. Au coucher du soleil, on peut admirer des plages de sable blanc, des criques isolées au bord d’une mer translucide. C’est un décor de rêve, des images semblables à celles que l’on retrouve sur les fonds d’écran d’ordinateur ou de téléphone. Mais plus loin, l’atmosphère semble très différente et paraît même hostile. Il y a des côtes menaçantes faites de falaises abruptes et de coraux affûtés. Juste derrière, des arbustes couverts d’épines se dressent vers le ciel. La végétation est dense et forme une barrière infranchissable.

L’une des missions que s’est fixée le Plastic Odyssey est de cartographier les sites où sont rassemblées les 513 tonnes de déchets plastiques recensées par une expédition scientifique en 2020. Poussés par les alizés, ils se concentrent dans le sud et l’est de l’atoll sur une distance d’une cinquantaine de kilomètres. Certaines de ces zones, comme le montrent les images satellites, sont très difficiles d’accès. De plus, il n’y a pas d’eau potable sur Aldabra et pas de nourriture à disposition. Pour effectuer un premier repérage précis, il faut donc envoyer des drones.

Les membres d'équipage admirant l'atoll d'Aldabra depuis le bateau Plastic Odyssey © Marine Reveilhac

Vendredi 10 octobre, des vols d’essai sont effectués à l’avant du navire, mais la liaison est interrompue avec un engin au bout de quelques minutes. Par chance, il atterrit à quelques encablures de la base d’Aldabra qui compte actuellement une dizaine de personnes. Il est ramené à bord par Martin et Alice, deux scientifiques français arrivés sur l’île au printemps 2024 afin d’étudier les impacts d’espèces invasives sur l’atoll (chats, rats…) et d’effectuer la biosécurité de tout le matériel d’expédition du Plastic Odyssey. Cette opération vise à réduire le risque de contamination en éliminant – poussières, sable, terre, graines, mais aussi fourmis – tout ce qui sera débarqué sur l’île, sanctuaire de la biodiversité. « C’est un refuge pour plus de 400 espèces et sous-espèces endémiques, » estime l’Unesco. « Parmi elles, on trouve la plus grande population au monde de tortues géantes avec plus de 100 000 individus. »

Chaque objet, y compris ceux qui sont neufs, sont donc contrôlés avec précaution, surtout les velcros considérés comme des « pièges à graines ». « Il vaut mieux passer 10 minutes à scruter tous les recoins d’une valise que 10 ans à éradiquer une espèce invasive, » explique Martin, chef d’équipe au sein de la Seychelles Islands Foundation (SIF), l’organisme chargé de la réglementation de l’atoll. « Plusieurs espèces animales ont déjà mis en péril la biodiversité d’Aldabra. L’élimination des chèvres, importées par des hommes, a duré quasiment deux décennies. Elle a été nécessaire car elles se nourrissaient de l’herbe consommée par les tortues. Sur d’autres îles, des chats ont provoqué la disparition de certaines espèces endémiques. » Il y en aurait près de 600 sur l’atoll.

Martin, de la Seychelles Islands Foundation (SIF), effectuant le contrôle de biosécurité © Marine Reveilhac

Les conditions météorologiques étant favorables peu avant midi, le Plastic Odyssey lève l’ancre et met le cap au sud, plus précisément vers Grande Terre, la plus longue des quatre îles. Un premier drone est piloté depuis l’arrière du bateau par Alexis, plongeur professionnel, et sa fille Maluha. Un second est envoyé depuis un Zodiac. À son bord, Simon Bernard, chef d’expédition et armateur du Plastic Odyssey, Marine, responsable des médias, et Thibault, ingénieur. Pendant plusieurs heures, leurs engins photographient tous les 20 mètres les zones les plus inaccessibles de la côte.

Sur les écrans de contrôle, le spectacle est à couper le souffle. Au fil de l’après-midi, le récif corallien change de couleur passant du bleu au vert, puis du vert au bleu. Vu du ciel, le lagon prend une teinte émeraude qui contraste avec la terre que l’on aperçoit sur les parties immergées.

Thibault pilotant le drone pour cartographier les déchets plastiques d'Aldabra © Marine Reveilhac

Les drones prennent des centaines de photos. Vue des nuages, Aldabra parait fragile, perdue au milieu de l’Océan Indien. Pourtant, l’atoll est immense, près d’1,5 fois la taille de Paris. « On a été un peu surpris par sa dimension lorsque nous sommes arrivés, » reconnaît Simon Bernard. « Sur les images satellites, on ne se rendait pas compte non plus qu’il y avait des falaises, hautes parfois d’une dizaine de mètres, avec des vagues puissantes s’écrasant à leur pied. Ce qui est incroyable, c’est que les déchets se sont accumulés au-dessus de la falaise, projetés par les grandes marées. Ils n’y a pas d’amas mais ils sont éparpillés sur de longues distances. L’environnement est globalement assez impressionnant. »

L’objectif, qui consistait à prendre en photo la dizaine de kilomètres la plus difficile à atteindre à pied, est atteint en début de soirée. « On peut être satisfait, » se félicite Simon Bernard. « La tâche était compliquée car nous avons tout fait en mode manuel. A bord du Zodiac, la réception du drone était souvent périlleuse avec deux mètres de houle mais nous ramenons les deux aéronefs à bord et c’est un soulagement. » Les clichés seront ensuite transmis à une société spécialisée en analyse d’images, afin de déterminer quels types de déchets plastiques sont présents sur Aldabra, estimer leur tonnage et étudier enfin comment ils peuvent être évacués. En début de nuit, après trois heures de navigation, le Plastic Odyssey retourne au mouillage en face de l’île Picard, la plus occidentale.

La première équipe débarquant sur la plage de sable blanc d'Aldabra pour 8 jours © Marine Reveilhac

Le lendemain matin vers 7 heures, le mess est plein à l’heure du petit déjeuner. L’excitation est palpable : une équipe de cinq personnes va fouler le sol d’Aldabra. Une heure plus tard la Frigate, une chaloupe de la base scientifique ayant été saisie à des pirates somaliens, accoste sur une plage de sable blanc. Le sourire aux lèvres, chacun descend de l’embarcation.

C’est un émerveillement. Une légère brise secoue les palmes d’un palmier. La mer est calme, le sable fin, une tortue part se baigner. Tout n’est que douceur. C’est notre premier pas sur Aldabra, un grand pas pour Plastic Odyssey.

NDLR : Les communications entre l’équipe à terre et le bateau étant réduites, vous pourrez lire la suite du journal de bord « Expédition Aldabra » à partir du 19 octobre.

Auteur : Pierre Lepidi, Grand Reporter au Monde

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Le navire vit au rythme des préparatifs du débarquement et rien n’est laissé au hasard. Afin de protéger la biodiversité, la Seychelles Islands Foundation (SIF), l’organisme chargé de la réglementation de l’atoll et la délivrance des permis, exige que tout le matériel débarqué sur l’île Picard soit préalablement débarrassé de poussière, sable, graines, terre. ...

L’une des missions que s’est fixée le Plastic Odyssey est de cartographier les sites où sont rassemblées les 513 tonnes de déchets plastiques recensées par une expédition scientifique en 2020. Poussés par les alizés, ils se concentrent dans le sud et l’est de l’atoll sur une distance d’une cinquantaine de kilomètres. Certaines de ces zones, comme le montrent les images satellites, sont très difficiles d’accès. ...